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Quand Netanyahou rend hommage à Mandela

Bal des hypocrites. Découvrez comment les leaders d'Israël -un Etat qui avait soutenu l'Afrique du Sud durant l'apartheid- célébrent aujourd'hui la mémoire de Nelson Mandela, décédé jeudi soir.

Nelson Mandela était le personnage le plus honorable de notre époque. Il était le père de son peuple, un homme avec une vision, un combattant de la liberté qui avait rejeté la violence.

Benyamin Netanyahou, 06.12.13

Ces mots sont extraits de la déclaration tenue par le Premier ministre israélien à l'annonce de la mort de Nelson Mandela. Voici une vidéo, d'à peine 37 secondes, réalisée par ses équipes de communication et mise en ligne ce vendredi après-midi.

Même passage obligé pour Shimon Peres, président de l'Etat d'Israël.

L'’héritage de Nelson Mandela pour son peuple et pour le monde restera à jamais gravé dans les pages de l’Histoire et dans les coeurs de ceux qu’il a approchés. On se souviendra toujours de lui.

Ce double hommage ne manque pas de piquant au regard de l'histoire des relations entre Israël et l'Afrique du Sud.  Dans un ouvrage passionnant, sorti en 2012 et intitulé Les guerres secrètes du Mossad, l'historien Yvonnick Denoël consacre un paragraphe éclairant sur le sujet. Extrait:

denoel

En 2010, le quotidien britannique The Guardian confirma, documents à l'appui, la véracité d'un secret de polichinelle: l'existence antérieure de transactions secrètes relatives à l'industrie nucléaire entre les deux régimes.

Autre aspect de la relation entre ces alliés de l'ombre : la coopération de leurs services secrets. Extrait suivant du livre de Denoël :

La collaboration entre le Mossad et le BOSS, son homologue sud-africain, débuta en 1964 et se traduisit par l'envoi de matériel d'écoutes sophistiqué, l'échange d'informations sur les mouvements palestiniens en contacts avec l'ANC, mais aussi par des formations aux méthodes de guerre psychologique et d'assassinats ciblés développés par le Mossad.

On retrouve ainsi sa siganture dans la pratique, nouvelle pour le BOSS, des colis piégés envoyés aux leaders de l'ANC en exil.

Coïncidence: le décès de Mandela survient une semaine après le coming out d'un agent secret israélien, alors relaté par Panamza. Il existe une connexion indirecte mais singulière entre les deux hommes: en 1976, tandis que Mandela traversait le coeur de sa détention (27 années de prison entre 1963 et 1990), Arnon Milchan, futur producteur d'Hollywood, était missionné par Shimon Peres pour redorer le blason de l'Afrique du sud. Troisième extrait du livre de Denoël :

Pour Israël, la relation avec l'Afrique du Sud, premier client de son industrie militaire mais bientôt sous le coup d'un embargo international, devenait compliquée à gérer. Il fallait à la fois donner des gages verbaux de condamnation de l'apartheid, tout en préservant l'essentiel de la relation commerciale. Et en conseillant les Sud-Africains sur la meilleure façon de restaurer leur image dans les médias occidentaux. Dès 1976, le ministre de l'Information Connie Mulder et son adjoint Eschel Rhoodie lancèrent une campagne médiatique au financement quasi illimité. Suivant les conseils d'un ancien agent de la CIA et d'un homme d'affaires proche des services israéliens (note en bas de page: Arnon Milchan), ils achèterent des journaux, financèrent des partis d'extrême droite, payèrent des lobbyistes à Washington et subventionnèrent même des campagnes électorales aux Etats-Unis pour faire battre des sénateurs démocrates farouchement anti-apartheid.

De 1974 à 1977, Shimon Peres, mentor de Milchan, était alors ministre de la Défense dans le gouvernement Rabin. Quant au jeune Netanyahou, il était consultant en stratégie à Boston, effectuant de nombreux aller-retours entre les Etats-Unis et Israël.

Ancien "terroriste", toujours antisioniste

Il est de notoriété publique que Nelson Mandela n'a jamais porté dans son coeur le régime de Tel-Aviv. Une lettre adressée en 2001 à un éditorialiste du New York Times avait suscité la polémique au sein de la mouvance sioniste internationale. Extrait :

Les soi-disant "Zones autonomes palestiniennes" sont des Bantoustans. Ce sont des entités restreintes au sein de la structure de pouvoir du système israélien d'Apartheid.

L'Etat palestinien ne peut pas être un sous-produit de l'Etat juif, juste pour garder la pureté juive d'Israël. La discrimination raciale d'Israël est la vie quotidienne de la plupart des Palestiniens. Parce qu'Israël est un Etat juif, les Juifs israéliens ont des droits particuliers dont les non Juifs ne bénéficient pas. Les Arabes palestiniens n'ont aucune place dans un Etat "juif".

L'Apartheid est un crime contre l'humanité. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur liberté et de leur propriété. Il perpétue un système de discrimination raciale et d’inégalité. Il a systématiquement incarcéré et torturé des milliers de Palestiniens, en violation du droit international. Il a déclenché une guerre contre une population civile et en particulier contre des enfants.
Les réponses de l’Afrique du Sud en matière de violation des droits humains provenant des politiques de déportation et des politiques d’apartheid ont mis en lumière ce que la société israélienne doit nécessairement accomplir avant que l’on puisse parler d’une paix juste et durable au Moyen Orient et de la fin de la politique d’apartheid.

[Addendum 07.12.13 : l'attribution de ce texte à Nelson Mandela serait erronée. Un activiste palestinien, affirme l'avoir rédigé et posté -en 2001- sur un forum en ligne du New York Times. La reprise de ce papier satirique par des médias arabes et israéliens aurait ainsi provoqué la confusion sur l'authenticité des propos rapportés. Si Nelson Mandela ne semble pas avoir exprimé de tels commentaires, il avait néanmoins affirmé -dès 1997- l'existence d'un parallélisme de la situation palestinienne avec l'apartheid antérieure de l'Afrique du Sud, son rejet de la position de médiateur des Etats-Unis ("un ami d'Israël"), son "soutien envers le combat des Palestiniens" et, chose méconnue, sa légitimation explicite du recours à la "violence" comme ultime option. En 1999, lors de sa première visite d'Etat en Israël, Mandela demanda le "retrait complet des territoires occupés", rappella son amitié avec la communauté juive sud-africaine -envers laquelle il disait avoir une "dette d'honneur"– et fit remarquer que le régime de Tel-Aviv fut "quasiment" le seul au monde à ne pas lui avoir envoyé d'invitation à sa sortie de prison en 1990. En septembre 2001, lors de la Conférence internationale de Durban, Mandela avait également fustigé le "chauvinisme étroit" du gouvernement Netanyahou qui "bloque l'achèvement d'une paix juste et permanente au Moyen-Orient"].

Apartheid : ce terme controversé, pourtant assumé par une majorité de Juifs israéliens, est également celui employé par un ex-journaliste du Monde, Michel Bôle-Richard, à propos de la situation locale. Auteur d’un essai intitulé Israël, le nouvel apartheid, l’homme a eu l’occasion de développer, au printemps dernier, l’angle de vue adopté dans son ouvrage : au sein de l’Institut des relations internationales et stratégiques d’une part, sur le plateau de TV5 d’autre part.

Dans un format plus long, il est également intervenu sur ce sujet, le 11 avril, dans l'enceinte de l’Institut de Recherche et d’études Méditerranée et Moyen-Orient.

Comme un seul homme, la classe politique hexagonale rend aujourd'hui un vibrant hommage à Nelson Mandela. Paradoxe: elle feint d'ignorer que l’esprit qui anima le Sud-Africain dans sa lutte contre l’apartheid est le même qui avive, de nos jours, la critique internationale de l’Etat d’Israël.

Clin d'oeil de l'Histoire. En 2004, l'homme -désormais qualifié d'"icône" par la plupart des médias- avait lui-même employé le terme à propos d'un ami à peine décédé dans des conditions mystérieuses : un certain Yasser Arafat.

Hicham HAMZA

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One response to Quand Netanyahou rend hommage à Mandela

  1. On décembre 11th, 2013 at 05:15 , Le Gris said...

    Tres bonne article de Mr mbeko qui vient apporter un peu de nuance sur l’immaculé Mandela

    http://congovox.blogspot.fr/2012/07

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